L’article 815 du Code judiciaire dispose que : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut être toujours provoqué, nonobstant prohibitions et conventions contraires ».
Depuis un arrêt de principe prononcé le 20 janvier 2013, la Cour de cassation a clairement indiqué que l’article 815 ne s’appliquait pas aux indivisions volontaires, car ce serait contraire au principe de la convention-loi et à l’article 1134, alinéa 1er du Code civil.
Toutefois, cette solution est difficilement tenable, notamment quand l’indivision volontaire lie des partenaires de fait qui ont décidé de se séparer, l’un entendant procéder au partage et récupérer ses billes, l’autre entendant (parfois sciemment) freiner toute initiative en s’opposant à toute sortie d’indivision.
Solutions développées par la jurisprudence
Les juges du fond sont parfois contraints de recourir à des artifices juridiques pour faire droit à la demande unilatérale de sortie d’indivision volontaire, sur base de l’abus de droit notamment ou encore sur base de la caducité du contrat pour disparition de sa cause. En date du 6 mars 2014, la Cour de cassation a validé ce dernier raisonnement, en reconnaissant – dans le cadre d’une indivision créée entre partenaires de fait par l’insertion, dans l’acte d’acquisition, d’une clause d’accroissement – que la disparition du mobile déterminant qui soutenait cette clause d’accroissement (soit consolider la relation de fait) avait disparu de sorte que l’exécution ultérieure de ladite clause était impossible, pour ne pas dire impensable. Dans ce cas, la caducité de la clause fait basculer l’indivision volontaire en indivision fortuite et l’article 815 trouve à s’appliquer.
Cette jurisprudence bien accueillie par les juges du fond, embarrassés par le problème, n’est cependant pas totalement convaincante. La Cour de cassation a pu rappeler à plusieurs reprises qu’en principe, une convention n’est valide que si elle présente une cause licite et existante au moment de la formation du contrat (la cause doit être contemporaine à la formation du contrat). La disparition ultérieure de la cause n’a en revanche aucune incidence sur la validité et la force contraignante du contrat valablement conclu. La seule exception reconnue à ce jour par notre Cour suprême, est la caducité des legs pour disparition du mobile les soutenant avant le décès du testateur.
L’arrêt de 2014 est donc une fiction juridique, probablement élaborée pour pallier aux difficultés concrètes des justiciables. En outre, cet arrêt n’a été prononcé que dans le cadre d’une indivision volontaire modalisée par l’insertion d’une clause d’accroissement.
Apport du Livre 3 du Code civil
Faisant table rase de ces discussions, le Livre 3 du Code civil reprend un régime cohérent qui va grandement faciliter la vie de tous.
L’article 3.75 traite de la copropriété fortuite et reprend le prescrit de l’actuel article 815. Le partage unilatéral peut être demandé à tout moment. Les pactes d’indivision sont toujours autorisés par 5 ans renouvelables. Les tiers créanciers ne doivent respecter cette convention d’indivision que pour un terme unique de 5 ans, nonobstant renouvellement.
La copropriété volontaire est traitée à l’article 3.77, qui distingue selon qu’elle est à durée déterminée ou non :
- Si elle est à durée déterminée, et sauf dispositions contractuelles contraires, les parties ne peuvent solliciter le partage unilatéral avant terme. Les tiers qui peuvent toujours solliciter le partage (article 1561 du Code judiciaire) devront quant à eux respecter un délai minimal de 5 ans ;
- Si elle est à durée indéterminée, le partage unilatéral pourra toujours être demandé, moyennant le respect d’un préavis raisonnable qui sera fixé entre parties ou d’office par le juge, en tenant compte des enjeux personnels, financiers et sociaux, ce préavis ne pouvant dépasser 5 ans. Ce faisant, le Livre 3 consacre expressément le principe général de droit selon lequel nul ne peut être lié à vie dans les liens d’un contrat, dont il peut se délier pour autant qu’il ne prenne pas à rebours son cocontractant et qu’il respecte un préavis raisonnable.
Quoique le Livre 3 n’entrera en vigueur que le 1er septembre 2021, la Cour de cassation s’est déjà prononcée dans des affaires pendantes sur base des textes de la réforme, anticipant le régime juridique à venir.
La situation fixée par le Livre 3 est donc acquise, dans le plus grand intérêt des justiciables.