Articles de doctrine
Bail de droit commun et clause prohibant la tacite reconduction
L’article 1737 du Code civil
Cet article dispose que « le bail cesse de plein droit à l’expiration du terme fixé, lorsqu’il a été fait par écrit, sans qu’il soit nécessaire de donner congé ». La Cour de cassation confirme également que « le bail prend fin au terme convenu par les parties ou stipulé par la loi, sans qu’un congé soit nécessaire » (Cass., 11 septembre 1987, Pas., I, p. 41).
Sauf disposition contractuelle contraire, le bail écrit à durée déterminée prend donc, en principe, fin au terme convenu, sans qu’il soit besoin de notifier un congé.
Toutefois, il faut être attentif, dans ce genre d’hypothèse, à ce que les parties se conforment à leur volonté contractuelle de sorte que le bail cesse effectivement à l’expiration du bail.
Si, après l’expiration du terme convenu et nonobstant la clause prohibant toute tacite reconduction, le preneur persiste à demeurer dans les lieux sur une longue période, sans opposition du bailleur, qui continue à percevoir les loyers, il peut être considéré que les parties ont tacitement, mais certainement modifié leurs intentions contractuelles et qu’elles ont renoncé à la clause prohibant toute tacite reconduction.
C’est en ce sens que s’est positionné le Juge de paix du deuxième canton de Liège (G. FIEVET, « La durée du bail de droit commun : Congé, fin anticipée, prorogation et tacite reconduction », Le bail dans la pratique, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 74 et s.).
En l’espèce, les locataires continuent de demeurer dans l’immeuble loué plus de quatre ans après le terme initial du bail. Il y a dès lors de fortes probabilités qu’un juge de paix considère ce bail à durée déterminée comme reconduit.
L’article 1738 du Code civil
Selon ce deuxième article, en cas de reconduction, le bail est reconduit aux mêmes conditions, en ce compris la durée.
Conformément à l’adage, « tacite reconduction sur tacite reconduction ne vaut ».
A défaut d’avoir mis fin au précédent bail reconduit, les parties sont censées être dans les liens d’un contrat à durée indéterminée depuis cette dernière date.
Il peut y être mettre fin sans indemnité moyennant un préavis d’un mois (article 1736 du Code civil).
Fautes d'un gérant de société dans le cadre d'une cogestion
Madame X et Monsieur Y sont cogérants d’un cabinet médical constitué sous forme de SPRL.
Depuis le 1er janvier 2020, Monsieur Y ne contribuerait plus de quelques manières que ce soit, étant devenu gérant et/ou administrateur d’une autre société.
Toutefois, il continue à profiter des avantages fournis par la première société.
Comme tous administrateurs de société, les gérants des SPRL se doivent de mener leur mission de gestion dans le but de préserver l’intérêt social de la société.
Lorsqu’ils commettent une faute dans l’accomplissement de leur mission, et que cette faute cause un dommage – soit à la société, soit aux tiers – ils peuvent être personnellement tenus de réparer celui-ci.
Ces fautes peuvent être de trois ordres.
Les fautes de gestion
Il s’agit des fautes que commet le gérant de SPRL dans les actes de gestions qu’il pose au nom et pour le compte de la société dans ses relations avec les tiers. Il s’expose ainsi à une action en responsabilité basée sur la violation des règles du mandat.
Ca ne concerne pas le cas d’espèce.
Les fautes de droit commun
Sans commettre de faute de gestion, le gérant de SPRL peut commettre une faute à l’égard de la société ou d’un tiers, s’il adopte un comportement que n’aurait pas commis tout gérant de société normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
La faute la plus légère suffit à engager la responsabilité.
A ainsi été considéré comme constitutif d’une faute, le détournement opéré au préjudice de la société ou le fait pour un gérant de s’arroger des avantages patrimoniaux exorbitants au détriment de la société (Anvers, 10 novembre 1997, V. & F., 1999, p. 47).
En l’espèce, il pourrait être soutenu qu’un gérant qui se désintéresse complètement de la société tout en profitant des avantages financiers qu’elle peut lui procurer serait constitutif d’une faute en lien causal avec le dommage subi par ladite société.
Dans ce cas, c’est bien la société en son nom personnel (et pas les autres gérants) qui doit assigner le gérant fautif devant le Tribunal de l’Entreprise.
Les fautes déduites de la violation du Code des sociétés et des statuts
Le gérant d’une SPRL peut également être tenu responsable envers la société et les tiers en cas de violation du Code des sociétés ou des statuts de la société.
Ce cas ne semble pas rencontré en l’espèce.
En tout état de cause, le comportement de Monsieur Y ne serait-il pas fautif qu’il est néanmoins indéniable qu’il manifeste un désintérêt flagrant pour l’intérêt social de la société.
Cela pourrait permettre à Madame X de citer Monsieur Y devant le Tribunal de l’Entreprise dans le cadre d’une procédure d’exclusion d’associé (article 2 :63 et suivants du Code des sociétés et des associations) au terme de laquelle, pour les justes motifs ci-avant évoqués, elle pourrait contraindre Monsieur Y à lui céder ses parts sociales et à sortir de la société.
Attention toutefois que si cette procédure abouti, Madame X devra indemniser Monsieur Y en contrepartie de la cession forcée de ses parts à leur valeur au jour du transfert.
Cependant, exceptionnellement, le juge pourrait s’écarter de cette règle lorsqu’au vu de circonstances pertinentes, en ce compris l’attitude des parties, son application aboutirait à un résultat manifestement déraisonnable.
La capacité d’enchère et de surenchère
Base légale
L’article 1591 du Code judiciaire dispose que :
« Le notaire ne peut recevoir comme enchérisseurs:
- Les juges qui sont intervenus aux jugements et ordonnances rendus sur la poursuite en expropriation, les officiers du ministère public qui ont donné des conclusions pour ces jugements ;
- Le saisi ;
- L’époux du saisi ;
- Le tuteur ou le curateur du saisi»;
1) Le saisi
Par « saisi » il faut entendre toute personne subissant la saisie et obligée personnellement à la dette. Donc ne peuvent surenchérir les débiteurs solidaires ainsi que les cautions personnelles.
En revanche, un tiers détenteur peut surenchérir valablement.
2) L’époux du saisi
L’interdiction frappant l’époux vise à éviter toute collusion. Cette interdiction ne s’étend toutefois pas aux autres membres de la famille du débiteur saisi.
3) Le tuteur ou le curateur
L’interdiction frappant le tuteur ou le curateur résulte de la crainte de conflit d’intérêt ou de tentative d’écartement des amateurs, par amitié par exemple, ce qui contreviendrait au caractère public et libre des enchères, qui relève de l’ordre public.
Quant à la surenchère
S’agissant des ventes publiques judiciaires et des ventes publiques amiables à forme judiciaire, l’article 1193 du Code judiciaire a supprimé la faculté de surenchère dès lors que ce dernier prévoit que « L’adjudication se fait en une seule séance, dématérialisée ou non, aux enchères »
Cependant, quant à la vente judiciaire volontaire, la faculté de surenchère continue d’exister.
Cela signifie que le Notaire instrumentant, lors de la première séance de vente, adjuge un bien au candidat-acquéreur qui a fait l’offre la plus élevée, sous la condition suspensive de l’absence de surenchère. Celui qui souhaite réaliser une surenchère dispose alors d’un délai de 15 jours.
En cas de surenchère, une nouvelle séance de vente est alors réorganisée durant laquelle le prix de départ de la vente est celui de la surenchère.
La folle enchère
Principe de base
Par l’effet de l’adjudication, l’adjudicataire devient de plein droit obligé, par un contrat d’adhésion, aux charges, clauses et conditions du cahier des charges, et en particulier :
- Au paiement des frais, dans le délai indiqué dans le cahier des charges (art. 1596 C. jud).) ;
- Au paiement du prix, dans le délai lui aussi indiqué par le cahier des charges (art. 1600, C. jud.) ;
Aucun délai de grâce ne peut être accordé à l’adjudicataire pour l’exécution de ses obligations, même en cas de difficulté portée devant le juge des saisies (art. 1604, al. 2 C. jud.) ;
Si l’adjudicataire reste en défaut de remplir les obligations du cahier des charges, c’est-à-dire de payer les frais et le prix, le bien est remis en « vente sur folle enchère » (art. 1600 C. jud.) ; une nouvelle date de vente devra alors être fixée par le notaire à la demande des poursuivants (art. 1602, al. 1er C. jud.) ;
En cas de revente sur folle enchère, le fol enchérisseur peut faire arrêter la vente pour autant :
- Qu’il prouve qu’il a bien exécuté les conditions de l’adjudication originaire ;
- Qu’il consigne une somme « déterminée sur requête par le juge », pour couvrir les frais de folle enchère ;
S’il ne stoppe pas la mise en vente, la précédente adjudication est résolue à son égard il perd définitivement sa qualité d’adjudicataire.
Revente du bien, mais à un prix inférieur que celui obtenu lors de la première vente
Dans l’hypothèse où le bien serait revendu à un prix inférieur que celui proposé par le fol enchérisseur, ce dernier sera tenu de payer la différence aux propriétaires (art. 1606 C. jud.) ;
A cet égard, la jurisprudence considère que « Les sommes prévues par ce texte s’ajoutent au prix payé par l’adjudicataire. Il ne s’agit donc pas d’une indemnité versée au créancier à raison du préjudice subi par la faute du fol enchérisseur, mais d’un complément de prix qui sera distribué par ordre d’hypothèques » (Bruxelles, 27 avril 2001, J.L.M.B., 2001/34, p. 1480).
Autres voies de recours ouvertes aux vendeurs victimes d’une folle enchère
Cette revente sur folle enchère n’est qu’une des sanctions qui sont susceptibles de frapper le fol enchérisseur, l’article 1600 du Code judiciaire précisant que celle-ci a lieu « sans préjudice des autres voies de droit ».
A côté de la revente sur folle enchère, peuvent donc être également mis en œuvre, l’exécution forcée de la vente ou la résolution de la vente pour inexécution fautive.
Il ne faut en outre pas oublier que le fol enchérisseur commet une faute purement contractuelle en n’exécutant pas ses obligations. Dès lors, un dédommagement pourra être réclamé dans ce cadre selon un montant à déterminer.
En revanche, une demande en dédommagement sur pied des articles 1382 et suivants du Code civil est prohibée, sauf pour les créanciers qui parviendraient à démontrer une faute extracontractuelle distincte (Bruxelles, 27 avril 2001, J.L.M.B., 2001/34, p. 1480).
La saisie conservatoire immobilière : conditions de mise en œuvre
Notion
Comme toutes les saisies conservatoires, la saisie conservatoire immobilière a pour objet de sauvegarder les éléments du patrimoine du débiteur, qui constituent le gage de la créance dont est titulaire un créancier.
Son principal effet est de rendre indisponible le bien sur lequel elle porte, empêchant par là le débiteur saisi d’en disposer et ainsi de s’appauvrir et de diminuer l’assiette de son patrimoine.
De ce fait, les saisies conservatoires n’enlèvent en rien la propriété ni la possession sur le bien saisi dont dispose le propriétaire qui peut continuer, en ce qui concerne les biens immeubles, à poser des actes de gestion et à percevoir et disposer des fruits qu’ils peuvent produire (comme les loyers éventuels par exemple – art. 1443 du Code judiciaire).
Cette indisponibilité, et l’interdiction de disposer du bien qui en découle, est garantie par le fait que certains actes qui seraient posés en violation de ce principe sont considérés comme inopposables (la mise en vente ou la constitution d’hypothèques par exemple – art. 1444 du Code judiciaire). En outre, la personne qui dispose indument d’un bien saisi de manière conservatoire s’expose à des sanctions pénales (article 507 du Code pénal).
La saisie conservatoire a pour caractéristique d’être totale en ce sens que si un bien immeuble est saisi, c’est l’ensemble de ce bien qui est frappé d’indisponibilité même si la valeur de ce dernier est supérieure au montant de la créance à la base de la saisie.
En outre, la saisie conservatoire n’est que temporaire et expire de plein droit après trois ans. Si le créancier souhaite que la saisie perdure au-delà de ce délai, il est tenu de solliciter le renouvellement auprès du juge des saisies (article 1426, 1437 et 1459 du Code judiciaire).
Attention cependant que la saisie conservatoire, bien qu’elle préserve le gage du créancier, ne confère à ce dernier aucun privilège (article 1442 du Code judiciaire) de sorte que la mise en place de cette saisie ne permettra pas, ultérieurement, au créancier saisissant d’être payé par préférence.
Les conditions de la saisie conservatoire
Le Code judiciaire requiert la réunion de trois conditions cumulatives pour pouvoir pratiquer une saisie conservatoire :
1. Il faut qu’il y ait célérité (article 1413 du Code judiciaire): cela veut dire qu’il faut qu’il y ait péril en la demeure. Le recouvrement de la créance est mis en péril par la situation du débiteur et il est urgent de mettre en place une mesure de sauvegarde. Le créancier doit éprouver la crainte que faute de cette mesure, il risque de voir sa créance demeurer impayée.
Cette condition est rencontrée lorsque des circonstances objectives permettent d’établir une insolvabilité existante ou menaçante dans le chef du débiteur.
2. Il faut que la créance à la base de la saisie soit certaine, exigible et liquide (article 1415, alinéa 1er du Code judiciaire ; Cass. 5 septembre 1997, L.M.B., 1997, p. 1684):
-
- Le caractère certain : cette condition implique que le créancier puisse se prévaloir d’une créance qui présente une apparence de fondement suffisant pour autoriser une saisie conservatoire. Il n’est cependant pas requis que la certitude soit telle qu’elle justifierait une condamnation et il ne suffit pas qu’elle soit contestée pour perdre ce caractère certain. En réalité, ce critère sera rencontré lorsque le fondement de la créance ne parait pas sérieusement contestable au terme d’un examen sommaire.
-
- L’exigibilité : le créancier doit se trouver en mesure de demander au débiteur le paiement de la créance.
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- La liquidité: cette condition signifie que la créance doit être évaluable en argent ou, à tout le moins, qu’elle soit susceptible d’une estimation provisoire.
3. Le créancier doit disposer d’un titre judiciaire: le créancier doit disposer d’un titre judiciaire, même non exécutoire pour mettre en œuvre la saisie (article 1414 du Code judiciaire). En l’absence de titre judiciaire, le créancier doit demander l’autorisation au juge des saisies de faire pratiquer une saisie conservatoire, autorisation qui sera donnée si les deux conditions précédentes sont rencontrées (article 1415 du Code judiciaire).
Attention, dans cette hypothèse, c’est au créancier à démontrer la réunion de ces conditions (Liège, 18 mai 2004, J.T., p. 230). Ainsi, c’est lors de cette demande que le juge vérifiera si la célérité est belle et bien présente et si la créance en cause possède une apparence de fondement difficilement contestable au terme d’un examen sommaire.
L’objectif d’une saisie immobilière conservatoire étant de surprendre le débiteur, la demande d’autorisation se fait par requête unilatérale signée par avocat (article 1417 et 1026, 5° du Code judiciaire) et contenant obligatoirement les mentions de situation du bien (article 1430 du Code judiciaire). Le juge statue dans les huit jours du dépôt de la requête au plus tard (article 1418, alinéa 1er du Code judiciaire) et fixe dans son ordonnance le montant à concurrence duquel la saisie est pratiquée (article 1418, alinéa 2 du Code judiciaire).
Si le juge refuse d’autoriser la saisie, le créancier peut interjeter appel dans le mois par requête unilatérale déposée au greffe de la Cour d’appel (article 1031 du Code judiciaire).
Dans l’hypothèse où le juge en revanche autorise la saisie, le débiteur saisi peut former tierce opposition à cette ordonnance dans le mois (article 1419, alinéa 1er du Code judiciaire).
Si aucune contestation n’est opposée à cette ordonnance, le créancier peut s’en servir pour mettre en œuvre la saisie conservatoire. Attention cependant que pour les saisies conservatoires immobilières, l’ordonnance d’autorisation périme de plein droit si elle n’est pas suivie, dans ce délai, d’un exploit de saisie transcrit dans les registres du bureau des hypothèques de la situation du bien (article 1433 du Code judiciaire).
Procédure de la saisie immobilière conservatoire
La saisie immobilière conservatoire ne doit pas être précédée d’un commandement (article 1432, alinéa 1er) mais doit faire l’objet d’un exploit de saisie qui doit, à peine de nullité, répondre aux exigences de l’article 1432 du Code judiciaire.
Cet exploit de saisie doit être signifié au débiteur saisi. A noter que dans les 24 heures de cet acte de saisie, l’huissier doit adresser l’avis de saisie au receveur des contributions directes, afin de permettre au Trésor public de faire inscrire l’hypothèque légale dont il bénéficie en ordre utile (cette inscription hypothécaire doit, pour être opposable, se faire dans les 8 jours de l’envoi de l’avis de saisie ; article 1432 et 1444 du Code judiciaire).
Enfin, l’exploit doit être transcrit au bureau des hypothèques de la situation du bien.
C’est cette inscription qui frappe le bien d’indisponibilité et qui fait courir le délai de validité de trois ans de la saisie.
Le transfert des titres dans une SCRL
Base légale
En vertu de l’article 356 du Code des sociétés, une SCRL peut émettre des parts sociales qui représentent des droits sociaux et donnent droit à une part des bénéfices. Ces parts sont, dans le cadre d’une SCRL, nécessairement nominatives.
En parallèle à l’émission de ces parts sociales, toute société coopérative est tenue de tenir un registre des parts, conformément à l’article 357 du code des sociétés, devant contenir les noms, prénoms et domicile de chaque associé, le nombre de parts dont chaque associé est titulaire ainsi que les souscriptions de parts nouvelles et les remboursements de parts, avec leur date, les transferts datés de parts, la date d’admission, de démission ou d’exclusion de chaque associé, le montant des versements effectués, et le montant des sommes retirées en cas de démission, de retrait partiel de parts et de retrait de versement (Y. DE CORDT et al., Droit des sociétés. Précis : Droit européen et droit belge, 4ème éd., Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 988).
Il appartient à l’organe de gestion de la société, sous sa seule responsabilité, de procéder dans le registre des parts, aux inscriptions voulues sur la base de documents probants qui sont datés et signés (Liège, 14 octobre 2002, R.P.S., 2003, p. 218).
Le registre des parts revêt dès lors une importance considérable, car c’est via une inscription dans ce registre qu’un coopérateur va pouvoir établir sa propriété sur les parts (article 359 du Code des sociétés).
Est-ce là la seule manière de prouver sa propriété sur des parts ?
Jusqu’à l’adoption du Code des sociétés, la Cour de cassation considérait que oui car l’inscription dans le registre des parts était une formalité substantielle. En son absence, la preuve de la qualité de propriétaire des parts ne pouvait être rapportée par un autre moyen, que ce soit à l’égard de la société ou des tiers (Cass., 12 novembre 1903, R.P.S., 1903, p. 301).
Avec l’adoption du Code des sociétés, cette jurisprudence a été intégrée directement dans la loi, dans la mesure où le Code dispose clairement que la démission ou l’admission d’un associé doit faire l’objet d’une inscription dans le registre (articles 368 et 369 du Code des sociétés) de même que la cession et la transmission des parts, qui « ne sont opposables à la société et aux tiers qu’à partir du moment où la déclaration de transfert est inscrite sur le registre des parts » (art. 365 du Code des sociétés).
L’article 359 du code des sociétés prévoit en outre que « La propriété des parts s’établit par une inscription dans le registre des parts. Des certificats constatant ces inscriptions sont délivrés aux titulaires de parts. »
Cependant, la Cour d’appel de Bruxelles a décidé, aux termes d’un arrêt de 2009, que la qualité d’associé pouvait être rapportée par d’autres voies que l’inscription dans le registre (Bruxelles, 5 mai 2009, R.D.C., 2010, p. 364).
A cet égard, l’inexactitude ou l’omission de mentions dans le registre ne peut engager que la responsabilité de l’organe de gestion de la société à qui incombe d’accomplir cette formalité (Y. DE CORDT et al., Droit des sociétés. Précis : Droit européen et droit belge, 4ème éd., Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 991).
Le transfert à proprement parler des titres
Dans une SCRL, l’article 362 du Code des sociétés dispose que les parts sont librement cessibles à des associés, MAIS les statuts peuvent supprimer ou réglementer ce droit.
Quant aux tiers, les parts ne sont cessibles qu’aux personnes et dans les conditions prévues à l’article 366 du Code des sociétés, c’est-à-dire à des tiers qui sont nominalement désignés dans les statuts, ou qui font partie de catégories déterminées dans les statuts et ont été agréés par l’organe compétent.
Ces catégories sont librement déterminées par les rédacteurs des statuts.
Quant à la cession à titre onéreux des titres, la doctrine s’est relativement peu penchée sur cette question.
Cependant, aux termes d’une décision qui traitait d’une cession à titre onéreux de parts d’une SPRL, le Tribunal de commerce de Huy a jugé que l’inscription du transfert des parts dans le registre était suffisante pour que la propriété soit transférée (Tribunal de commerce Huy, 22 janvier 2003, Rev. prat. Soc., 2003/3, p. 328).
Si l’acquéreur des parts ne libère pas le prix, il reste débiteur du montant de la cession, mais la propriété des parts transférées lui est malgré tout acquise. Cette solution jurisprudentielle se base sur l’article 507 du Code des sociétés, qui dispose que : « La cession des actions non libérées ne peut affranchir leurs souscripteurs de contribuer, à concurrence du montant non libéré, aux dettes antérieures à la publication. L’ancien propriétaire a un recours solidaire contre celui à qui il a cédé son titre et contre les cessionnaires ultérieurs ».
Cependant, l’opposabilité du transfert étant opposable dès sa transcription dans le registre, le Tribunal de commerce de Huy juge, en combinant les articles 365 et 507 du Code des sociétés, que l’action en libération de capital non libéré se prescrit par cinq ans à dater de l’inscription du transfert dans le registre des parts.
Les sorties d'indivision volontaire - évolutions jurisprudentielles et législatives
L’article 815 du Code judiciaire dispose que : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut être toujours provoqué, nonobstant prohibitions et conventions contraires ».
Depuis un arrêt de principe prononcé le 20 janvier 2013, la Cour de cassation a clairement indiqué que l’article 815 ne s’appliquait pas aux indivisions volontaires, car ce serait contraire au principe de la convention-loi et à l’article 1134, alinéa 1er du Code civil.
Toutefois, cette solution est difficilement tenable, notamment quand l’indivision volontaire lie des partenaires de fait qui ont décidé de se séparer, l’un entendant procéder au partage et récupérer ses billes, l’autre entendant (parfois sciemment) freiner toute initiative en s’opposant à toute sortie d’indivision.
Solutions développées par la jurisprudence
Les juges du fond sont parfois contraints de recourir à des artifices juridiques pour faire droit à la demande unilatérale de sortie d’indivision volontaire, sur base de l’abus de droit notamment ou encore sur base de la caducité du contrat pour disparition de sa cause. En date du 6 mars 2014, la Cour de cassation a validé ce dernier raisonnement, en reconnaissant – dans le cadre d’une indivision créée entre partenaires de fait par l’insertion, dans l’acte d’acquisition, d’une clause d’accroissement – que la disparition du mobile déterminant qui soutenait cette clause d’accroissement (soit consolider la relation de fait) avait disparu de sorte que l’exécution ultérieure de ladite clause était impossible, pour ne pas dire impensable. Dans ce cas, la caducité de la clause fait basculer l’indivision volontaire en indivision fortuite et l’article 815 trouve à s’appliquer.
Cette jurisprudence bien accueillie par les juges du fond, embarrassés par le problème, n’est cependant pas totalement convaincante. La Cour de cassation a pu rappeler à plusieurs reprises qu’en principe, une convention n’est valide que si elle présente une cause licite et existante au moment de la formation du contrat (la cause doit être contemporaine à la formation du contrat). La disparition ultérieure de la cause n’a en revanche aucune incidence sur la validité et la force contraignante du contrat valablement conclu. La seule exception reconnue à ce jour par notre Cour suprême, est la caducité des legs pour disparition du mobile les soutenant avant le décès du testateur.
L’arrêt de 2014 est donc une fiction juridique, probablement élaborée pour pallier aux difficultés concrètes des justiciables. En outre, cet arrêt n’a été prononcé que dans le cadre d’une indivision volontaire modalisée par l’insertion d’une clause d’accroissement.
Apport du Livre 3 du Code civil
Faisant table rase de ces discussions, le Livre 3 du Code civil reprend un régime cohérent qui va grandement faciliter la vie de tous.
L’article 3.75 traite de la copropriété fortuite et reprend le prescrit de l’actuel article 815. Le partage unilatéral peut être demandé à tout moment. Les pactes d’indivision sont toujours autorisés par 5 ans renouvelables. Les tiers créanciers ne doivent respecter cette convention d’indivision que pour un terme unique de 5 ans, nonobstant renouvellement.
La copropriété volontaire est traitée à l’article 3.77, qui distingue selon qu’elle est à durée déterminée ou non :
- Si elle est à durée déterminée, et sauf dispositions contractuelles contraires, les parties ne peuvent solliciter le partage unilatéral avant terme. Les tiers qui peuvent toujours solliciter le partage (article 1561 du Code judiciaire) devront quant à eux respecter un délai minimal de 5 ans ;
- Si elle est à durée indéterminée, le partage unilatéral pourra toujours être demandé, moyennant le respect d’un préavis raisonnable qui sera fixé entre parties ou d’office par le juge, en tenant compte des enjeux personnels, financiers et sociaux, ce préavis ne pouvant dépasser 5 ans. Ce faisant, le Livre 3 consacre expressément le principe général de droit selon lequel nul ne peut être lié à vie dans les liens d’un contrat, dont il peut se délier pour autant qu’il ne prenne pas à rebours son cocontractant et qu’il respecte un préavis raisonnable.
Quoique le Livre 3 n’entrera en vigueur que le 1er septembre 2021, la Cour de cassation s’est déjà prononcée dans des affaires pendantes sur base des textes de la réforme, anticipant le régime juridique à venir.
La situation fixée par le Livre 3 est donc acquise, dans le plus grand intérêt des justiciables.
Mineurs d'âge et succession
Le mineur d’âge étant légalement présumé incapable quant à sa personne et quant à ses biens, sa capacité d’exercice est réduite, de sorte qu’il est soumis à un régime de représentation.
En principe, ce sont les pères et mères du mineur, disposant de l’autorité parentale, qui administrent légalement les biens de leur enfant ; c’est ce que l’on appelle l’administration légale.
Lorsqu’un mineur a un lien de filiation qui est établi à l’égard d’au moins un de ses père ou mère, lequel est vivant, non déclaré absent ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté, il est placé sous l’autorité parentale de ce dernier. Ce parent exerce alors seul l’administration légale des biens du mineur. A cet égard, le mineur ne pourra bénéficier d’un tuteur que si les deux parents sont décédés ou si le parent survivant n’est pas capable d’exprimer sa volonté ou est dans l’impossibilité d’exercer son autorité parentale.
Lorsque le parent survivant administre légalement les biens de son enfant mineur (art. 376 C. civ.), cette prérogative porte tant sur la gestion des biens de l’enfant que sur le pouvoir de le représenter dans les actes juridiques en rapport avec son patrimoine.
Actes pour lesquels l’autorisation préalable du juge de paix est nécessaire
A noter que le responsable du mineur n’a pas le droit de poser tout acte qu’il désire selon son souhait. En effet, il existe une série d’actes limitativement énumérés par la loi (art. 378 renvoi à l’article 410, §1er), où l’administration légale des biens est soumise à une autorisation préalable d’un juge.
A ce titre, l’acceptation ou la renonciation à une succession requiert l’autorisation du juge de paix et ne peut se faire que sous bénéfice d’inventaire (Art. 410, §1er, 5° ; J.P. Leuven, 22 juillet 2003, J.J.P., 2004, p. 213). Le juge appréciera à cet égard l’option choisie dans l’intérêt du mineur sur base d’un état du patrimoine successoral (Ch. AUGHUET et al., Traité de droit civil belge, T. I, Les personnes, Vol. 2, coll. DE PAGE, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 1069).
Conflit d’intérêts avec ses parents
Il peut arriver, dans le cadre de la gestion des biens du mineur, que ce dernier se trouve en conflit d’intérêt avec un seul ou ses deux parents.
La notion de conflit d’intérêts est particulièrement large et permet un contrôle assez étendu par le juge du fond des relations entre les parents ou le parent survivant et son enfant mineur (F. DEREME, « La protection des biens des mineurs après la réforme des lois des 29 avril 2001 et 13 février 2003 », J.T., 2005, N°6164, p. 24) ;
Lorsque le mineur se trouve en conflit d’intérêts avec ses deux parents, l’article 378, § 1er, alinéa 6, du Code civil autorise le juge de paix, à la requête de toute personne intéressée ou même d’office, à désigner un tuteur ad hoc. Celui-ci sera cependant nommé uniquement pour accomplir l’acte envisagé, en représentant le mineur. Il ne se substituera pas aux parents du mineur pour le surplus. En sa qualité de mandataire, le tuteur sera tenu de remplir les conditions d’impartialité et d’indépendance de la tutelle.
Quid en cas de conflit d’intérêts entre le mineur et son seul parent survivant ? L’article n’en dit rien, mais pour la jurisprudence : « La logique et le souci du juge de paix d’assumer son rôle naturel de protection des mineurs, imposent de ne pas se limiter à une interprétation littérale de l’article 378 du Code civil et d’admettre que dans l’hypothèse d’un conflit d’intérêts entre un enfant et son seul parent, le juge de paix puisse également désigner un tuteur ad hoc pour représenter l’enfant » (J.P. ROULERS, 3 octobre 2002, J.J.P., 2004, p.201).
Du reste, doctrine et jurisprudence s’accordent pour considérer que cette disposition doit s’appliquer de manière généralisée de telle sorte que même les actes pour lesquels les parents n’ont besoin d’aucune autorisation judiciaire tombent sous son application.
Par contre, cet article doit être limité à la section du Code civil à laquelle il appartient de telle sorte qu’un tuteur ad hoc ne peut être désigné qu’aux fins de gérer les biens du mineur (N. GALLUS et al., « Titre I – La minorité », Droit des personnes et des familles, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 826).
A cet égard et de manière plus concrète, il a déjà été jugé par la justice de paix de Westerlo que : « Lorsque les parents, souvent absents, négligent de défendre les intérêts de leurs enfants confiés et domiciliés par ailleurs chez les grands-parents, l’opposition d’intérêts est évidente et il y a lieu de nommer un tuteur ad hoc. En l’espèce, le grand-père sera nommé tuteur ad hoc de ses petits-enfants et ses tâches seront définies de manière précise, après l’établissement d’un inventaire des biens, ceci par analogie avec les articles 406 et 407 du Code civil relatifs à la tutelle » (J.P. WESTERLO, 18 avril 2005, R.A.B.G., 2005, p. 1819).
Cette même juridiction a par ailleurs déjà jugé que « la désignation d’un tuteur ad hoc est indispensable dans l’hypothèse où il s’agit de gérer les sommes que l’enfant mineur a reçu et doit encore recevoir au titre de dommages et intérêts à la suite d’un grave accident de la circulation, dans la mesure où la gestion désastreuse de ses biens par la mère de l’enfant, détentrice de l’exercice exclusif de l’autorité parentale, a créé un conflit d’intérêts entre la mère et l’enfant qui justifie que soit désigné un tuteur ad hoc » (J.P. WESTERLO, 15 avril 2015, J.J.P., 2005, p. 527).
Protections existantes relatives aux sommes perçues au nom du mineur
En tout état de cause, la désignation d’un tuteur ad hoc pour la gestion des sommes recueillies par un mineur dans le cadre d’une succession a perdu quelque peu de sa raison d’être, dans la mesure ou l’article 776 du Code civil actuel dispose en son alinéa 2 que : « Les fonds et valeurs leur revenant sont placés sur un compte à leur nom, frappé d’indisponibilité jusqu’à la majorité ou la mainlevée de la mesure d’incapacité, sans préjudice du droit de jouissance légale ».
Du reste, la protection est réellement renforcée, dans la mesure où si le parent survivant désirerait disposer du capital frappé d’indisponibilité, il serait obligé, conformément à l’article 410, § 1er, 14° du Code civil, d’en demander l’autorisation préalable au juge de paix.
Il est cependant regrettable de constater que le législateur n’a pas opéré un parallélisme complet entre l’indisponibilité de ces fonds et l’absence de droit de jouissance légale, prérogative attachée à l’autorité parentale et à l’administration légale (art. 384 C. civ.), exercée par les deux parents ou par le seul parent survivant.
De ce fait, le parent survivant pourra jouir des fruits produits par les sommes frappées d’indisponibilité. La jouissance légale étant d’ordre public, elle est malheureusement indisponible et insaisissable.
Cependant, des garde-fous pourraient être envisagés :
- Conflit d’intérêts: Dans cette hypothèse, une demande de désignation d’un tuteur ad hoc auprès du juge de paix pourrait être diligentée par tout tiers intéressé, aux fins de gérer les biens du mineur (cfr supra) ;
- La demande en déchéance pour abus de jouissance : La jouissance légale étant quasiment calquée sur les règles de l’usufruit de droit commun, les causes d’extinctions de ce dernier lui sont applicables (art. 617 et 618 du Code civil ; H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, T. II, Vol. 2, 2é ed., Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 998). A ce titre, l’abus de jouissance peut être invoqué dans le cadre de la jouissance légale. Dans ce cadre, la jurisprudence considère que dès que l’intérêt de l’enfant est menacé, les autres ascendants que le parent survivant du mineur se verront octroyer qualité pour agir en justice sur cette base, puisque les cours et tribunaux considèrent que dès que l’intérêt de l’enfant est en jeu, l’exercice de l’autorité parentale devient contentieux (F. DEREME, « La protection des biens des mineurs après la réforme des lois des 29 avril 2001 et 13 février 2003 », T., 2005, N°6164, p. 23).
- La demande de modification, dans l’intérêt de l’enfant, des prérogatives liées à l’autorité parentale auprès du Tribunal de la famille : cette solution n’est toutefois que purement théorique dans la mesure ou l’article 387bis du Code civil dispose que seul le parent survivant lui-même ou le procureur du Roi peuvent agir sur cette base ;
- Responsabilité à la majorité du mineur : Lors de l’acceptation d’une succession, le juge de paix veillera à ce que soit respecté les formalités relatives à l’inventaire, outil crucial qui permettra au mineur, devenu majeur, de demander des comptes au parent survivant et d’engager sa responsabilité sur pieds de l’article 379, alinéa 1er du Code civil (les parents étant comptables des biens dont ils ont la jouissance) ;